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Contes de printemps

Temps de cochon


On dit toujours que ce sont les hirondelles qui font le printemps.

Eh bien moi, j'ai fouillé dans les livres, cherché dans les grimoires, téléphoné aux plus sages des sorciers, et découvert que ce n'était pas vrai.
Ce ne sont pas les hirondelles qui font le printemps.
Ce sont les cochons ! Enfin... UN cochon.

Je vais vous raconter comment.


Il y a très très longtemps, la terre ne connaissait ni le soleil, ni la verdure, ni les fleurs.
Un des royaumes de cette terre était fait de paysages gris, glacés par les brumes, recouvert de nuages épais et traversés par des vents impitoyables.
Le maître des lieux était un roi cruel, froid et insensible : le roi crapaud.
Il n'avait ni famille, ni amis.
Il était toujours de mauvaise humeur.

Un jour, vint à passer devant sa mare un petit cochon rose et dodu qui se pencha sur l'eau pour boire.
Aussitôt, le roi crapaud apparut, et dit avec colère :

- Qui t'a autorisé à boire l'eau de ma mare, vil cochon !

Le cochon, qui était jeune et sans expérience, mais pas sans intelligence, ricana à la vue de ce misérable crapaud qui coassait avec orgueil.


- Euh... Dis-moi, petite chose verte et gluante, tu crois que tu me fais peur ? Si je veux boire à la mare, c'est que j'ai soif. Les mares sont à tout le monde, non ?
- Jeune insolent, s'écria le roi crapaud, cette mare-ci est la mienne. Il va t'en coûter de l'avoir souillée !
- Ce vieux grincheux m’ennuie, fit le cochon. Et il le poussa du bout de son groin.

Le roi crapaud roula-boula, ce qui fit remonter en lui une énorme colère. Et comme il était un descendant indirect de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf (par la sœur de la cousine du frère de son père), voilà qu'il se mit à grossir, enfler, gonfler jusqu’à atteindre la taille d'un hippopotame.

- Euh ! Là, j'ai un peu peur, fit le cochon qui était loin d'être bête, et se rendait bien compte qu'il ne faisait pas le poids face à la créature verte et baveuse qui lui faisait face.
- Cochon, il est temps que tu apprennes les bonnes manières ! rugit le monstre. Tous mes sujets me doivent le respect. Pour ta peine, je te chasse de ce pays !
A ces mots, le cochon baissa son groin d'un air piteux, et fit demi-tour sans demander son reste.

C’est ainsi qu'il quitta son pays natal : lui qui n’avait jamais voyagé, décida d'en profiter pour voir le monde.
Mais quand on est un petit cochon de lait, à peine plus gros qu'un chat, on n'a pas beaucoup de hauteur, pour découvrir le monde.

- Pour mieux voir les choses, il faudrait que je m'élève, se lamenta-t-il. Mais comment faire : je ne sais pas escalader les falaises ni même grimper aux arbres !

Comme le hasard fait toujours bien les choses, au moment même où il disait ces mots, notre cochon se trouva groin à bec avec un aigle royal qui prenait un peu de repos.

- Bonjour aigle, fit le cochon.
- Bonjour cochon. Où vas-tu comme ça ? interrogea l’oiseau.
- Je cherche à découvrir le monde, répondit le cochon. Mais là, cloué au sol, je ne vois pas grand chose. J'aimerais voir la terre de haut !
- Veux tu que je t'emmène ? demanda l'aigle.
- Ça ne t'embête pas ?
- Ben non, je m'ennuie un peu, ça me fera de la distraction : c'est pas tous les jours qu'on peut avoir l'occasion d'emporter un cochon sur son dos pour voler dans les nuages ! 

Aussitôt dit, aussitôt fait. Notre cochon grimpa sur le dos de l'aigle, s'agrippa à ses plumes, et ils prirent leur envol.
Ses poils roses au vent, le cochon était grisé par la fraîcheur et les fines gouttelettes d'eau des nuages.
Il cria dans l'oreille de l'oiseau :
- Et il y a quoi, au-dessus des nuages ?
- Mais le ciel, et le soleil, répondit l'aigle.
- C'est quoi, ça, le ciel, et le soleil !
- Accroche-toi, je vais te montrer !

Et l'aigle piqua vers le haut des nuages. Quand ils en sortirent, le cochon n'en crut pas ses yeux.

- Que c'est beau, et chaud, et doux, fit-il en plissant des yeux de bonheur. Ce ciel bleu, ce soleil jaune. Je n'avais jamais rien vu d'aussi beau.

Mais tandis qu'il parlait, le soleil, qui n'avait jamais vu de petit cochon (pensez donc, à 9000 mètres d'altitude, il n'y a pas beaucoup de cochons!), envoya quelques-uns de ses rayons chatouiller notre jeune ami. Et comme ces rayons se plurent entre les poils roses, les oreilles en forme de S et la queue en tire-bouchon, ils décidèrent de s'y attarder un peu.

Ce qui fait que quand l'aigle ramena le petit cochon sur terre, des grains de lumière étaient restés accrochés dessus. Étonnées de ne plus voir le soleil, les petites lueurs s'éparpillèrent dans tous les sens, foncèrent vers les nuages et percèrent une magnifique trouée, par où le soleil entra de toute ses forces, faisant fuir les nuages.

En un instant, les feuilles poussèrent sur les arbres, les fleurs sortirent de terre, l'herbe, les fougères, les arbustes, les fruits apparurent. Presque immédiatement après, on vit des abeilles butiner de ci de là, des papillons multicolores danser des sarabandes joyeuses, les oiseaux se mirent à chanter. Les animaux qui vivaient cachés sortirent de leur terrier pour croquer les pousses tendres et les mousses. Le soleil, flatté par tant d'honneur, se fit encore plus lumineux.


C'est ainsi qu'on peut dire qu'un cochon fit le printemps !

Quant au roi Crapaud, qui ne savait plus où donner de la tête tellement il y avait d'animaux qui venaient boire dans sa mare, il fut bien obligé de se faire à cette idée. 

Surtout quand une jolie crapaute verte pleine de ravissantes pustules et dégoulinante de bave, vint lui faire les yeux doux !

Sophie Noël
Contes Bohèmes et Capricieux


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