Gustave Flaubert disait : « Soyez
réglé dans votre vie et ordinaire comme un bourgeois afin d’être violent et
original dans vos œuvres. »
Contrairement à l’idée romantique qu’on s’en fait, l’écriture n’est pas le
fruit d’une inspiration quasi-divine que l’écrivain bohème muni d’une plume n’a
plus qu’à retranscrire tranquillement sur une belle feuille de parchemin. Le
travail d’écrivain est difficile, il demande de la concentration et surtout de
la rigueur. Chaque écrivain a donc sa propre routine, mais il existe des
incontournables dont nous allons parler ce soir.
Sachez toutefois qu’au final, c’est à vous de faire votre propre chemin.
Que
ce soit un roman de société, historique, d’aventure, d’amour ou de fantasy, ce
qu’il faut pour commencer, c’est l’envie d’écrire une histoire.
Mais ce n’est pas si simple : même si l’envie est là, il y a des
freins : d’abord les nombreux blocages que nous nous imposons, et il y a
aussi l’ampleur de la tâche.
Pour
les blocages, vous pouvez toujours aller voir un psy.
Mais pour faire face à l’ampleur de la tâche, il y a des méthodes qui peuvent
vous faciliter la chose.
1
– Trouver le thème de son roman
2 – Faire des recherches
3
- Faire des fiches personnages (des fiches « mondes »,
« décors »...)
4 - Elaborer une trame
5 - Structurer votre roman
6 - Rédiger le contenu de votre roman
7 – Se relire et travailler son style
8 – Les outils de l’écrivain
1 – Trouver le thème de votre roman
Sans
idée de départ, pas de roman. La FAMEUSE inspiration : n’attendez pas
qu’elle vienne toute seule, mais provoquez-la ! Comment ? Certains
pensent qu’on doit écrire ce qu’on connaît, d’autre qu’on doit écrire ce qu’on
ne sait pas sur ce qu’on connaît !
Les idées et inspirations de chacun dépendent… de chacun. Mais voici quelques
idées (justement) pour les provoquer :
- Pour commencer, les writing prompts (comprenez sujets/idées d’écriture pour
vous lancer). Les sujets d’écriture sous forme d’idées ou de
dialogues peuvent
vous permettre de faire germer en vous L’IDEE, mais aussi de dépasser vos
blocages et de contrer le syndrome de la page blanche.
Des writing prompts, vous pouvez en trouver des centaines sur internet
(pinterest → ou des sites) ou dans des
livres (par exemple Hubert Haddad Le nouveau magasin d’écriture chez Zulma).
Cela peut être un simple titre, un dialogue tirés par les cheveux ou des idées
d’intrigues originales. Comme des petites cartes créatives, elles vont booster
votre imaginaire.
-
Une autre idée est d’aller rechercher (sur le net, souvent), les sujets
d’appels à textes des concours : ces idées ont été mises en place pour
allumer l’étincelle créative des futurs auteurs.
Tagline
pitch (slogan intrigant
souvent
utilisé
pour la promotion des œuvres) :
→ A long time ago, in a galaxy far far away…
→ Dans l'espace,
on ne vous
entendra
pas crier…
→ Juste
au moment où
vous
pensiez
pouvoir
retourner
dans l'eau en toute sécurité…
Logline
pitch (résumé
du conflit
principal ou
du sujet
de l'histoire
en
une
phrase) :
→Un jeune
prince se bat contre
ses
propres
doutes
pour venger
son père.
→ Un militaire
plein
de panache et de poésie
mais
complexé
par une
disgrace physique essaie
de séduire
une
précieuse
par bellâtre
interposé.
Alors ?
Vous avez trouvé, j'imagine :-D
2 – Faire des recherches
Il
en va de même pour un roman : quand vous en commencez l’écriture, vous
devez savoir qui va l’habiter.
N’oubliez par exemple jamais de donner des défauts aux gentils et des qualités
aux méchants !
Stephen King note que l’empathie est une grande
qualité humaine, et qu’il faut jouer avec pour créer ses personnages :
créer un personnage que le lecteur aura envie de connaître ou de protéger est
une très bonne chose.
Commencez par votre héros / héroïne, puis créez les autres. Toujours en gardant
votre pitch en tête, définissez vos personnages dans les détails : pour
qu’ils soient intéressants, il faut qu’ils ressemblent le plus possible à des
personnes. Pour cela, la bonne technique est de poser à chacun des questions
(questions pertinentes par rapport à votre contexte, mais pas seulement) et de
tout noter dans une fiche (une par personnage).
Quelles questions poser à votre personnage ? Cela peut être celles d’un
portrait chinois, le questionnaire de Proust, mais il existe sur le net des
questionnaires détaillés destinés aux personnages de fiction, par exemple ces
120 questions auxquelles votre personnage doit pouvoir répondre...
A
ne pas faire :
-
utiliser une personne qu’on connaît et la transformer en personnage
-
Etre trop vague, trop général ! Il faut entrer dans les détails de son
intimité, même si toutes ces informations ne seront pas reprises dans le roman.
Vous devez, vous, connaître chacun de vos personnages parfaitement
-
pas de manichéisme : les personnes (et donc les personnages) sont en
nuance, peuvent être changeants, ont des qualités et des défauts.
-
faire attention à la triade noire, trois traits de personnalités très
aversifs : la personnalité narcissique (caractérisée par une mégalomanie exagérée, un manque d'empathie et de
l’égoïsme) – la personnalité machiavélique (caractérisée par de la manipulation et
l'exploitation des
autres pour son propre intérêt sans se soucier d'aucune morale) – et la
personnalité psychopathe (recherche impulsive d’action / forme primaire
d’égoïsme, manque d’empathie et de remords).
Mais vous pouvez quand même créer un personnage qui a une maladie mentale ou
d’importants problèmes psychologiques, il existe une liste des troubles mentaux
sur Wikipédia très bien faite.
Je vous conseille aussi de vous faire une liste de qualités et de défauts. En les lisant, cela peut vous permettre de commencer à peindre mentalement votre personnage.
Comment trouver le prénom et le nom de vos personnages ?
Sauf si j’ai le prénom en tête avant de commencer, je prends ma fiche personnage, je la lis plusieurs fois et me la mets bien en tête, puis je vais sur les sites pour jeunes parents qui proposent des listes de prénoms. Vous pouvez même choisir prénoms courts, longs, médiévaux, bizarres, composés, étrangers etc.
4 – Elaborer une trame, ou schéma narratif
- Situation initiale
- Evénement perturbateur
- Péripéties
- Evénement équilibrant, élément de
résolution, dénouement
La
situation initiale : c’est votre
personnage dans sa vie de tous les jours. Ce qui ne veut pas dire une vie
banale, mais son quotidien. ATTENTION : c’est ce contexte qui va mettre en
valeur l’élément perturbateur. Si vous décrivez comment vous mangez vos
brocolis , et soudain… c’est moins porteur que de décrire le quotidien d’un
enfant maltraité par son oncle et sa tante jusqu’au moment où il reçoit une
lettre étrange…)
La situation initiale de Germinal de Zola : Étienne
Lantier, arrive par une nuit de mars 1866, dans un village du Nord de la
France, est embauché à la mine et découvre la dureté du travail ouvrier.
Dans Germinal : Après une inspection, les
herscheurs de la mine sont sanctionnés et on diminue leur salaire. L’opposition
sociale entre le confort matériel des actionnaires des mines et l’extrême
pauvreté des mineurs constitue le fondement de la trame narrative et mènera à
la révolte ouvrière.
Pour une histoire d’amour, ces obstacles empêchent les amoureux de se retrouver
ou de s’aimer.
Pour un roman d’aventure, les obstacles empêchent de trouver le trésor.
Pour un roman policier, ils empêchent de trouver le meurtrier…
C’est le moment d’amener les amis du héros à lui venir en aide en général grace
à leurs capacités souvent complémentaires.
Pour Germinal : La grève des mineurs qui
vire à la révolte ouvrière
Le dénouement : Heureux ou malheureux, le dénouement doit résoudre les obstacles et expliquer les mystères. Chaque personnage doit avoir son dénouement pour ne pas laisser d’incohérences. Le dénouement doit changer la vie du héros.
Pour Germinal : Les mineurs qui n’ont plus
rien à manger après 2 mois et demi de grève acceptent les conditions de la
Direction et reprennent le travail. Étienne, qui croit toujours à la puissance
inéluctable du mouvement ouvrier, décide de quitter la mine pour assouvir
ailleurs son idéal de justice sociale.
Ce qui est intéressant à faire, c’est de trouver la trame de
certains romans ou contes que vous avez lus. Cela vous aidera à trouver la
vôtre.
5 – Structurer votre roman
Chronologiquement, « structurer son roman » peut se placer avant ou
après « rédiger le contenu de votre roman ». Mais c’est bien de
l’avoir en tête assez tôt.
La structure, c’est la forme que prendra votre roman. Une fois la trame créée,
vous pouvez jongler avec ses éléments pour les placer comme vous voulez, et
l’effet que vous voulez donner.
Au passage, c’est à ce moment aussi que vous décidez (ou entérinez la décision)
du point de vue (point de vue omniscient : le narrateur sait tout – Le
point de vue interne : on ne sait ce qu’il se passe que par les yeux d’un
personnage – Le point de vue externe : le narrateur est un observateur (on
ne connaît pas les pensées des personnages) - On peut alterner les points de
vue, notamment si on écrit à la troisième personne)
La
structure est une forme, et il ne faut pas la négliger, car c’est elle qui va
donner de l’effet !
Vous pouvez :
- Commencer votre récit par la fin
- révéler le meurtrier à votre lecteur mais pas à votre enquêteur
- créer des histoires parallèles
- Intercaler différentes actions, alterner les scènes (une scène enquêteur, une
scène meurtrier, par exemple)
- écrire en structure pyramidale (comme Stephen King, qui part de plusieurs
situations et personnages pour les faire ses retrouver en un seul lieu sur une
même action…).
C’est le moment de penser au chapitrage. Les chapitres
scandent le roman et sont autant de portes pour entrer et sortir.
Soit vous déterminez dès maintenant des chapitres précis (avec pitch et compagnie)
comme Jules Verne, qui donnait un titre hyper
détaillé à chaque chapitre : « Dans lequel Philéas Fogg et Passepartout s’acceptent
réciproquement, l’un comme maître, l’autre comme domestique ».
Avec cette technique, vous n’aurez plus qu’à les remplir consciencieusement.
Soit vous passez à une autre technique sur laquelle je reviendrai après.
Comment j’ai tramé et structuré Les
pointes noires :
– Mon incipit : un rêve (chapitre d’une page un peu sibyllin pour accrocher le
lecteur)
- Ma situation initiale : la salle
de danse où les élèves vont mettre les pointes pour la première fois (un
chapitre)
- Deux chapitres en flash back,
souvenir d’il y a 4 ans
- Plusieurs chapitres dans l’ordre
chronologique, dans le présent de l’héroïne, intercalés de courts chapitres de
rêves (avec une accumulation de petites problématiques qui font monter la
mayonnaise lentement)
- Le point culminant du récit
(remarque raciste grave), à un tiers du début
- De nouveau des chapitres dans
l’ordre chronologique où la tension monte encore d’un cran
- Le dénouement : saut dans le
futur, qui est une réévaluation de la problématique
- Excipit : je ferme ma boucle
avec la reprise du rêve du début, remanié selon ce qu’a vécu mon héroïne.
Un petit truc : Bernard Werber ou John Irving proposent d’écrire d’abord la fin de votre histoire et éventuellement de remonter en arrière pour découvrir tout ce qui peut mener à ce dénouement. Toute incohérence est écartée.
B. décidez du découpage en chapitre, en vous mettant à la place de votre lecteur : qu’il ait la sensation de finir une vraie partie à la fin du chapitre, et d’en commencer une au début du suivant.
C. Un chapitre peut contenir plusieurs scènes, mais veillez à bien couper à la fin d’une scène ;
D. numérotez-les, donnez-leur un titre, offrez-leur un petit pitch (comme vous savez si bien le faire maintenant), ça vous aidera à le retravailler et à structurer votre roman.
E. À la fin du chapitre, insérez éventuellement un cliffhanger. C’est-à-dire une petite scène qui relance l’attention, donnant un avant-goût de la suite. Le lecteur qui ferme le livre aura très envie d’y retourner.
Bernard Werber a dit : « Ecrire, c’est l’art de frustrer le lecteur pour
qu’il ait envie de tourner les pages. »
Les fins de chapitres sont des moments clés pour
cela !
F. Disposez ensuite vos chapitres
selon la structure que vous voulez donner à votre roman.
Vous pouvez aussi dessiner votre structure en carte mentale (mindmap). Il
existe des logiciels, mais vous pouvez le faire à la main.
- La rédaction, c’est donc le moment où il faut se lancer, et c’est là
que beaucoup échouent par manque de méthode : écrire c’est complexe et
fastidieux. C’est long. Et si on n’a pas une méthode qui nous permet de garder
cohérence et structure, on abandonne très vite car on se noie rapidement dans
nos propres détails.
Mais
si vous avez une méthode, vous serez guidés et rassurés, comme dans les
ateliers d’écriture où l’animateur structure la forme pour que votre fond s’y
coule.
-
Quand tout est mis en place, écrivez d’un jet, concentrez vous UNIQUEMENT sur
votre histoire : le travail du style… se fera au moment de la relecture.
Prenez votre temps, et ménagez vous une longue plage horaire pour écrire :
Victor Hugo, pour ne pas être tenté de sortir pendant l’écriture de Notre Dame
de Paris, avait demandé à son valet de lui confisquer tous ses vêtements et il
écrivait nu emmitouflé dans une couverture :-D !
- Quelques astuces pour lutter contre la page blanche :
→
Vous mettre devant l’ordinateur et écrire quand même, même si c’est n’importe
quoi. Le wagon va finir par se raccrocher tout seul, et vous ferez le tri
ensuite
→ Imaginez (sans nécessairement l’écrire) une discussion avec votre personnage. A
bâton rompu. Sans thème précis. Sans but.
→ Imaginez une page du journal intime d’un de vos personnages.
→ Inventez une scène non prévue dans votre roman, qui met en scène votre
personnage dans un univers totalement différent.
→ Faites une pause, prenez l’air, écoutez de la musique… des fois, on a juste
besoin de changer d’air pour mieux repartir : le syndrome de la page
blanche, ça ne dure jamais longtemps !
7 – Se relire et travailler son style
Pour cela, l’idéal est de laisser dormir le manuscrit quelque temps (quelques
jours à quelques semaines) puis de le ressortir pour le voir d’un œil un peu
plus neuf.
SANS ETAT D’AME, modifiez ou supprimez tout ce qui ne va pas ou qui est
approximatif.
Stephen King propose de "Supprimer
vos passages préférés, même lorsque cela brise votre coeur de petit scribe
égocentrique: supprimez vos chouchous (...). Cette coupure permettra
d'accélérer le rythme de votre récit. »
- Utilisez le dialogue plutôt que la description : « il était très énervé » → « Ah tu m’énerves ! »
- Créez du contexte qui pourra en dire beaucoup sur vos personnages : au lieu de dire : « Gaston était maniaque », dites : « Gaston n’écoutait plus les remontrances de son patron, obsédé par la miette de pain restée sur le col de sa chemise. »
-
Evitez les trop nombreux adjectifs (exemple : « il était très
nerveux » → « sa jambe tressautait en cadence »),
- Ne soyez pas timide dans votre écriture : les verbes de perception et
ressenti (il pensa que / il estima que / il se dit que / je crois que…), les
« en train de », « se mettre à », « il faut
que », les « un peu » et les « peut-être », dévoilent
votre propre frilosité !
A « il s’aperçut que les gorilles arrivaient » préférez :
« Les gorilles arrivaient. »
- Faites la chasse aux « et », « mais », « puis »
« soudain » surtout en début de phrase.
- Attention à la ponctuation : les points d’exclamation sont réservés aux
dialogues.
-
Travaillez particulièrement votre premier chapitre.
-
La bonne idée est aussi de trouver des bêta-lecteurs (de préférence parmi vos
ennemis !) qui pourront vous relire. Demander leur d’être sans pitié. C’est
pour votre bien.
8 – Quelques outils de l’écrivain
Je ne vais pas tout lister, mais voilà les outils principaux, du plus simple au
plus complexe :
- Un carnet : on y note tout,
en vrac, compulsivement… C’est L’OUTIL de prédilection de l’écrivain.
- le logiciel
SCRIVENER qui permet de fractionner l’écran avec divers sujets : plan,
recherches, prise de notes, idées en vrac, chapitrage, corps du texte etc.
- Le logiciel ANTIDOTE : Il corrige les fautes d’orthographe, explique l’origine des erreurs, applique les règles typographiques, donne des définitions, relève les répétitions et propose des synonymes, repère les phrases trop longues, propose des listes d’antonymes, de champs lexicaux, a un dictionnaire étymologique...
- Freemind ou mindmeister : logiciel de Mind mapping très pratique. Il vous permettra de relier vos idées entre elles sur une carte heuristique ou carte mentale.
- Dictionnaire des synonymes et analogies
- liste de verbes de dialogues (il dit il répondit il fit il proposa…)
- Une liste de qualités et de défauts
Quelques
sites intéressants :
- http://ecrire-un-roman.com/ (qui fait des mini conférences thématiques
vraiment intéressantes)
- https://www.espacefrancais.com/la-structure-dun-recit/ (cours de français en ligne qui analyse des
romans, leurs structures, leurs personnages…)
- https://www.contentologue.com/comment-ecrire-un-roman/
- http://www.editions-humanis.com/envoi-manuscrit.php
Quelques
livres qui peuvent vous intéresser :
- Mémoires d'un métier , de Stephen King
- Le nouveau magasin d’écriture et le Nouveau nouveau magasin d’écriture
d’Hubert HADDAD
- Atelier d’écriture d’Anne Roche, Andrée Guichet et Nicole Voltz
- Ecrire de Jean Guénot
- Guide pratique de l’écrivain, de Roger Gaillard et
Jean-Jacques Nuel
- AUDACE, l’Annuaire à l’usage des auteurs cherchant un éditeur de Roger
Gaillard
Mais aussi
beaucoup de méthodes, livres de conseils etc. qui pullulent sur le net, mais
qui ne diront rien de plus que ce que je viens de vous dire.
Pour finir (même si ce n'est jamais terminé !), un
dernier conseil de grande lectrice :
Montesquieu a dit
« On apprend à bien écrire qu’en lisant les meilleurs auteurs. »